Vous appelez ça de l'archéologie?

Avançant lentement dans la coursive, Lexie finit par déboucher sur le poste de pilotage, face à Kyle Katarn qui semblait l’attendre « de pied ferme ». Un peu impressionnée par la mise en scène et ne sachant trop sur quel pied danser, elle tente de se faire toute petite et vient s’assoir par terre, en tailleur, non loin du siège du jedi. Oh, elle aurait pu se poser sur une chaise, oui, mais Lexie a les pieds sur terre, elle s’est toujours sentie bien plus à l’aise ainsi. A la question concernant sa sieste, elle hoche doucement la tête en signe d’assentiment. « Salvatrice, même… » Elle en avait cruellement besoin, et à défaut d’être totalement opérationnelle, au moins se sent elle maintenant suffisamment fraîche, l’esprit suffisamment clair, pour discuter. De quoi ? Elle n’en sait encore trop rien, ni dans quel but. Mais elle se doute que ça ne va pas lui faire plaisir. Elle y est prête, d’ailleurs, à être contrariée, et s’est déjà promis de museler son côté impulsif et caractériel, de d’abord réfléchir à ce que lui dirait le jedi avant de monter sur ses grands chevaux. Reste à voir si elle serait capable de tenir cette promesse faite à elle-même ou pas… Distraite une seconde, elle jette un œil par-dessus l’épaule du jedi au moment de la sortie de l’hyperespace. Elle ne reconnaît pas ce système, mais, brièvement, elle s’émeut devant la beauté du voile coloré d’un nuage stellaire. L’espace, si vide, pouvait parfois se montrer si plein…

Kyle reprenant la parole, elle reporte son attention sur lui. Elle n’a pas vraiment de questions, contrairement à ce qu’il pense, mais est volontiers prête à accueillir toutes les explications qu’il voudra bien lui donner. Lexie est pragmatique, elle s’interroge sur les mystères millénaires, pas ceux de sa modeste personne. Cela étant, le choix à faire annoncé par le jedi l’inquiète quelque peu. Mais, puisqu’elle s’est promis de garder la tête froide, elle s’exécute et laisse parler Kyle, tentant d’ingérer et de digérer le flots d’informations qu’il lui envoie. L’attaque sans préambules liée aux évènements de Hoth la prend par surprise et la déstabilise totalement. Sa mâchoire inférieure s’affaisse quelque peu, elle ne s’attendait pas à ce que ça soit ça qui ouvre le bal. Le rouge lui monte aux joues. Elle a honte, et baisse les yeux. Elle n’a pas la moindre envie de retourner sur cette planète, c’est évident… Mais elle le fera quand même. Parce que même si elle s’obstinait à vouloir laisser quelqu’un d’autre nettoyer son bordel, apparemment ils ont déjà tenté sans y parvenir… Et elle est d’accord avec le jedi. Elle ne peut pas laisser ça comme ça. De toute façon, elle l’a senti, il ne lui aurait pas laissé le choix. Elle ressent aussi un peu d’incrédulité quand il suggère qu’elle aurait pu lui mentir en disant ne pas avoir fait exprès d’activer cette chose, se demandant qui pourrait bien faire ce genre de chose consciemment, mais elle trouve la réponse toute seule à cette question… Les personnes dans le même genre que celles qui l’avaient conçu, à n’en pas douter…

Arrive le pamphlet à propos de la police inquisitoriale. Lexie se mord l’intérieur de la joue, se sourcils se fronçant d’inquiétude. Si Kyle dit vrai et que les inquisiteurs étaient après les gens comme lui, comme eux ?, comment se faisait-il qu’il soit passé entre les mailles du filet ? Qu’elle-même y soit passée ? Mais elle n’a pas l’occasion de poser sa question, qu’il enchaîne afin de lui permettre de comprendre le lien entre les inquisiteurs et Hoth. Cette fois, Lexie ne se sent pas seulement honteuse, mais également horrifiée. « Je n’ai jama… » Dans un murmure, qu’il coupe en lui disant que la petite fille va bien. Elle espère simplement que ses parents aussi… Pour sa part, elle n’a jamais croisé les inquisiteurs, ou très rarement sur les planètes impériales. Elle ne s’en est jamais préoccupée. Pourquoi l’aurait-elle fait ? Se rassemblant sur elle-même, la jeune femme serre son bras en écharpe et ses genoux contre elle alors que le jedi poursuit sa logorrhée, comme une Cassandre grecque. A ce stade, Lexie en est déjà à se forcer à écouter et à accepter la menace comme factuelle. Elle ne veut pas y croire, parce que refuser de croire est tellement plus confortable, mais elle sent aussi que c’est un luxe qu’elle ne peut pas se permettre… Tout simplement parce qu’à un moment donné, des impériaux, toujours à sa recherche après Hoth, finiront par la débusquer, et sans doute par la confier auxdits inquisiteurs… Que n’a-t-elle gardé ses mains dans ses poches sur ce maudit glaçon !

Une rage vive et sourde à sa propre encontre la saisit. Elle serre les dents, et se traite mentalement d’idiote infinie… Et ça lui fait du bien. Ça ne dure pas, une minute à tout casser, puisqu’elle se rend vite compte que se blâmer ne servira absolument à rien et ne permettra jamais, aussi fort puisse-t-elle s’insulter, de remonter le temps pour empêcher que cette catastrophe n’arrive, mais cette petite minute d’autoflagellation lui fait du bien. Une fois qu’elle est terminée, l’archéologue peut de nouveau tenter de penser avec un peu de clarté à demain plutôt qu’à hier. Si elle n’est pas certaine de vouloir un jour tenter des choses avec les pouvoirs qu’il lui dit avoir, elle est déterminée à ce que l’incident de Hoth demeure isolé. Elle est donc particulièrement attentive à ce qui suit, puisque vient le moment du choix.

Inconsciemment, ses muscles se sont tendus dans l’expectative. Toujours muette, elle écoute, ingère, process, calcule, se projette… Dans un cas, et puis… Non, pas dans le second. Pas dans le second, parce qu’il lui est impossible de l’imaginer. Rien qu’à l’annonce du premier, elle sait qu’elle ne veut pas de cette vie, de cette vie de fugitive… Qu’elle mène déjà depuis plusieurs mois. Les yeux qu’elle lève vers Kyle sont d’une infinie tristesse. Il lui propose un choix, selon lui, mais qui n’en est pas un pour elle, qui ne l’est plus depuis Hoth, justement, et ça lui donne envie de rire et de pleurer en même temps. Sa vie, c’était faire des fouilles pour l’empire, voir son père, sortir de temps en temps. Elle ne fait plus rien de tout ça, ne se lie plus avec personne parce qu’elle a peur de la trahison. Elle ne veut pas vivre comme ça, ne l’a jamais voulu. Au coin de ses lèvres, un petit sourire désabusé naît. « C’est déjà beaucoup moins spécial si vous l’avez aussi… » Elle se trompe peut-être, mais Lexie espère qu’en compagnie du jedi, la solitude la pèserait moins. Au moins, il sait ce qu’elle a fait, elle ne doit pas le lui cacher, n’a pas à lui mentir, pour leurs biens. Avec lenteur, pesant encore le poids de sa décision même si en paix avec elle, elle s’approche pour serrer de sa main valide la main de la deuxième option. « Tout plutôt que de risquer qu’il y ait un Hoth 2… » Et elle lui sourit, un peu pincée, même si sa voix résonne de détermination. « Il faudra découper la coque sur place par contre… » Elle fait, en montrant l’ersatz de plâtre autour de son bras. « Parce que je vais avoir besoin de mes deux mains… » Oui, parce que dans sa tête, la planète glacée est leur prochaine destination. Déjà…

Le meilleur choix, selon Kyle. C’est vrai. A la lumière des récents évènements, l’arrivée du Jedi est même une aubaine dans la vie de Lexie, qui se voyait encore courir sans fin la galaxie de part en part pour échapper à l’Empire… D’un coup d’un seul, cet homme surgit de nulle part, lui sauve la vie, lui donne des raisons d’espérer qu’elle n’osait plus entrevoir, un but pour continuer à exister… A bien y réfléchir, le jedi n’a pas sauvé que sa vie. Il a sauvé son esprit, quelque part, en mettant un terme à l’errance qui était la sienne depuis les évènements de Hoth. Pour cela, la gratitude de l’archéologue envers lui est sans fin. Mais elle n’en dit rien, Lexie, elle se contente d’esquisser un sourire en coin à sa petite boutade, qui a le chic de faire revenir l’ambiance, jusqu’alors un peu trop sérieuse, à quelque chose de moins lourd.

Persuadée qu’ils font route vers Hoth, Lexie demeure perplexe jusqu’à ce que le vaisseau sorte de l’hyper espace et que ne s’étale sous ses yeux la flotte Rebelle, dont elle ne prend la mesure qu’en se levant et en regardant à travers la large fenêtre du poste de pilotage. Sa mâchoire s’abaisse légèrement de stupeur, tandis que ses entrailles commencent à se tortiller d’anxiété. Sa bouche s’assèche, et elle doit se forcer à déglutir pour que ça passe un peu. L’archéologue n’est plus à l’aise avec les endroits rassemblant une grande quantité de personnes. Depuis sa fuite, elle craint toujours de, au détour d’un badaud, tomber sur des agents ou d’autres qui la connaissent, reconnaissent, et la livrent aux forces de l’Empire. Certes, au sein de l’Alliance, les risques sont largement limités, mais cette peur n’a rien de rationnel, d’une part, et de l’autre, des espions existent. La gorge nouée d’appréhension, elle se contente de hocher la tête en signe d’assentiment à ce que lui dit Kyle.

Du reste, il n’y a pas que la perspective d’être découverte qui inquiète la jeune femme… Il y a aussi qu’elle sait parfaitement ce qu’implique le débarquement. Ça implique que Kyle va la laisser pour vaquer à ses occupations, et qu’avec lui, elle perdra son seul et unique repère… Et donc que d’ici à ce qu’elle s’en créé de nouveaux, la situation pour elle va être une source d’angoisse, un challenge d’adaptation… Chose qu’elle appréhende plus qu’elle ne saurait le dire. Cela étant, l’idée de retenir le jedi ne l’effleure même pas. Bien que sa compagnie rendrait la transition beaucoup plus confortable, elle refuse catégoriquement de les mettre tous les deux dans cette situation, elle, la gamine effrayée incapable de se débrouiller toute seule, et lui, le garde-chiourme d’un boulet beaucoup trop dépendant. Non, c’est hors de question. Ce ne sera pas évident, elle le sait, changer de vie n’a rien d’aisé… Mais elle le fera. Elle le sait. « J’essaierai de ne pas trop traîner dans l’étude des bas-reliefs du temple, si ça peut ajouter un complément à votre rapport… » Elle répond, les yeux ancrés sur le vaisseau duquel ils se rapprochent rapidement, d’une voix blanche.

C’est le mouvement de son index qui la fait quitter des yeux l’Espérance pour les faire revenir vers le Jedi. Il faut le dire, elle est curieuse de voir ce qu’il va lui sortir de son chapeau. Inclinant la tête sur le côté, elle l’observe défaire son tas de chiffon pour en sortir une pyramide de verre… Qui captive aussitôt toute son attention, faisant taire dans son esprit la totalité de ses peurs et angoisses. Telle un papillon de nuit attiré par la flamme d’une bougie, n’avait plus d’yeux que pour elle… Du moins jusqu’à ce que le jedi la tende dans sa direction. Là, elle risque une œillade sur son visage, histoire d’être certaine qu’elle a le droit de s’en emparer, et s’en saisit avec une incroyable délicatesse, luttant de toutes ses forces contre son instinct qui lui hurle de le prendre et de s’enfuir avec pour l’étudier tout son saoule… Le petit objet en main, elle commence à l’observer sous toutes les coutures, écoutant en même temps les informations complémentaires données par Kyle.

Quand il fait glisser le journal vers elle, le visage de Lexie se met à flotter quelque peu tandis que sa tête s’incline sur le côté. Elle observe la pyramide, puis revient au journal… « Quatre millénaires séparent les deux artefacts… Sur le plan de l’archéologie c’est énorme… » Elle commente, à voix basse, plus pour elle-même que pour le jedi. Tendant lentement les doigts vers le journal, elle va s’en saisir… Mais finit par le repousser, visiblement à contrecœur, vers Kyle. Ses sourcils se fronçant de détermination, elle explique, en levant les yeux vers lui. « Avec votre permission, si nous en avons le temps, j’aimerai tenter d’ouvrir l’holocron par mes propres moyens… Si vous estimez que le temps presse et que la finalité ne changera pas des masses que je m’aide de l’ouvrage de l’apprenti ou pas, je m’en remettrai à votre jugement. Mais dans le cas contraire, j’aimerai essayer par moi-même avant s’il vous plaît… Et bien sûr, que j’y parvienne ou pas, ça n’empêchera en rien que je reviendrai vers vous pour consulter cet ouvrage, vous pensez bien… » Si le début de son discours est ferme et déterminé, la fin est beaucoup plus légère, sous-entendant clairement qu’il était absolument inconcevable qu’elle n’étudie pas cette relique en long, en large et en travers… « Par contre, du coup, la question qui me vient serait plutôt… Possédez-vous des ouvrages contemporains du concepteur de l’holocron ? » Se remettre dans le contexte, tenter de se figurez à quoi pouvaient ressembler les pensées du concepteur de la pyramide, lui semblait intéressant.

C'est sous l'escorte de deux X-Wing qui viennent rapidement les flanquer que le Claw continue son approche vers le gigantesque hangar qui s'ouvre lentement à mesure de leur avancée. WeeGee s'attelant à communiquer les codes d'accès, Kyle peut laisser le vaisseau sans surveillance pour reporter son attention sur la jeune femme qui venait de repousser lentement le journal. Pour le coup, il se doit d'insister en le ramenant à sa hauteur pour qu'elle s'en saisisse.

« Tu en auras besoin. Encore une fois, parce qu'il te faudra certaines connaissances que tu n'as pas encore, pour parvenir à ouvrir cet objet. Le journal n'est pas un mode d'emploi précis. Mais la philosophie que tu y liras te sera d'une grande aide. Tu penses comme une archéologue. Pour ouvrir cet Holocron, il te faudra commencer à penser comme une Jedi. Ce que cet ouvrage t'aidera à faire. »

Sans, il était impossible pour elle d'y parvenir. L'holocron en lui même n'offrait rien en terme d'indice. Il avait, initialement pas vocation à être un savoir caché. Il était simplement au cœur du système éducatif de l'Ordre d'antan. Pas plus sécurisé qu'un datapad éducatif... à l'échelle des Jedis qui distillaient leurs savoirs et leurs connaissances avec bien plus de facilité qu'actuellement.

« Nous avons quelques ouvrages qui datent de la même période, à peu prés. Mais aucun ne parle d'Holocron, je le crains. »

Le Claw amorce finalement son entrée dans le hangar pour se poser sans encombre à son emplacement habituel. Bientôt, le déflecteur du hangar se réactive et la lourde porte ne tarde pas à coulisser pour se refermer à son tour. Kyle ne se fait pas attendre, se relevant après avoir fourré le journal dans les mains de l'archéologue à qui il fait signe de le suivre tandis qu'il prendre la direction de la sortie, WeeGee attendant clairement qu'elle suive le maître jedi pour fermer la marche.

Dehors, une nuée de Rebelles se trouvaient déjà là. L'Esperance était certes, un croiseur conçu pour servir d'académie, il restait à côté de ça un vaisseau de guerre trouvant son rôle au sein de la flotte Rebelle. On trouvait donc de tout. Plusieurs fantassin occupés à patrouiller, plusieurs pilotes et de nombreux mécanos discutaient ici et là. Et, contrairement à la plupart des mondes sous le joug impérial, l'endroit brillait aussi de part sa mixité raciale.
Kyle se contente d'ouvrir la route d'un pas relativement hâtif mais qu'il était aisé de suivre. Quittant les hangars, il s'engage simplement dans divers couloirs jusqu'à se glisser dans un grand ascenseur où il attend que Lexie le rejoigne. En quelques secondes, ils atteignent la baie voulue. Les doubles portes s'ouvrent ainsi sur ce qui avait du être un hangar de fret de très grande taille réaménagé pour l'occasion pour les entraînements et la formation.

En tout, c'est une petite vingtaine d'apprentis qui s'essayaient à différent exercice. Quelques escrimeurs s'essayaient à des passes d'armes dans un coin, tandis que deux autres s'affrontaient en duel, les yeux bandés. Assis au sol, plusieurs autres apprentis semblaient méditer tandis que dans un autre coin on lisait et dans un autre la lévitations d'objets semblait être mise à l'honneur. Plus étonnant encore, même les enfants participaient, Lexie pouvant même, en fouillant dans sa mémoire, reconnaître le visage de la fillette des chefs d'expéditions de Hoth, occupée à faire voler devant elle des petites pièces de bois, cherchant à les assembler à la simple Force télékinésique.

« WeeGee va te trouver une chambre. Mais avant de t'y rendre, j'aimerai que tu fasses le tour de cet endroit. Que tu te présentes, et que tu t'intéresses à ce qu'il s'y passe. »

Les Jedi agissent pour les autres. Le contact humain est important. Au moins aussi important que le savoir.

« Moi... je t'abandonne un temps ici pour débriefer cette histoire. Oh et... n'hésite pas à interroger les gens d'ici concernant la recherche que tu as à faire. »

Lexie avait compris, aux premières explications de Kyle, à quoi était censé servir le recueil de l’apprenti. Cette philosophie qu’elle n’a pas, elle veut la trouver dans des ouvrages de l’époque, avec les aides que pouvait avoir l’apprenti lui-même, plutôt que de se baser sur ses impressions à lui. Dans les livres en question, elle ne chercherait rien sur les holocrons mais seulement des bribes de connaissance, ou tout ce qu’elle pourrait trouver, qu’avait l’apprenti à sa disposition. Ce serait plus dur, sans aucun doute, mais pas impossible, si ? Quoiqu’il en soit, bornée, l’archéologue prend quand même le manuel pour ne froisser le Jedi ni commencer à discuter ses conseils, tout en se disant que ça ne l’empêchait absolument pas de tenter d’abord de son côté. Elle n’aurait qu’à lutter contre sa propre curiosité, ce qui aurait été bien plus facile avec le manuel toujours entre les mains de Kyle mais… A la guerre comme à la guerre.

Le vaisseau avalé par le croiseur Mon Calamari, il ne tarde pas à être arrimé, et sitôt après cet arrimage, les choses s’enchaînent. Rapide, le Jedi lui fourre les objets dans les mains, ce qui est assez mal aisé pour elle, en raison de son bras en écharpe. « Je vous emprunte ça ! » Elle fait, en récupérant un sac à dos laissé là, dans lequel elle range la pyramide et le manuel, rapidement remballés dans les tissus de protection, avant de le glisser sur son épaule valide. Le tout, évidemment, en suivant tant bien que mal le rythme imposé par Kyle, ce qui s’avère beaucoup plus facile une fois qu’elle a terminé de ranger « ses » affaires. Ce n’est qu’en relevant le nez du sac qu’elle commence à prendre l’ampleur de la largesse du vaisseau. Tellement de monde ! Ça la met affreusement mal à l’aise, et, par automatisme, sa tête commence à aller et venir dans toutes les directions, un peu comme un chien de prairie, à la recherche d’un danger potentiel. Méfiante, elle analyse chacun des quelques regards qui lui sont jetés, cherchant à déceler des desseins malveillants, comme elle pouvait le faire sur Nar Shaddaa. Encore une fois parce qu’elle s’est conditionnée pour agir ainsi, l’archéologue a prestement rabattu sa capuche sur sa tête. Comme des œillères le font pour les chevaux, ce simple geste la calme, au moins un peu. Ainsi, elle se sent moins exposée. Ainsi, elle se sent moins vulnérable. Cela étant, elle ne peut s’empêcher de se demander si accepter tout de go de suivre cet inconnu est une bonne idée… Elle le saura bien assez tôt.

Gardant toutes ses réflexions pour elle, elle se mord malgré tout la joue de nervosité. Parce qu’elle n’est pas à l’aise, la jeune femme s’encombre l’esprit du chemin à faire pour rejoindre le hangar. Coursives, ascenseur, baie. Elle ignore si ça lui sera d’aucune utilité, espère bien que non, mais si un jour elle opte pour une fuite en catimini, autant connaître le chemin jusqu’à la sortie. Ce qu’elle voit, au moment où les portes de l’ascenseur s’ouvrent, font légèrement s’affaisser sa mâchoire. On dirait un camp d’endoctrinement… songe-t-elle pour elle-même, se murant dans ses pensées alors que son regard passe d’un atelier à l’autre. Elle tente de se figurer faire partie de ces élèves, participer, elle aussi à ces ateliers… En vain. Sans être asociale, Lexie a toujours eu toutes les difficultés du monde aux travaux de groupes, leur préférant de loin le calme et la quiétude des études solitaires. Pire encore, l’idée de sociabiliser avec ces gens l’oppresse. Pas qu’ils lui semblent méchants ou fermés, mais elle-même se sait assez mal adaptée à la vie en communauté. De ce fait, quand Kyle lui souffle que son droïde va lui trouver une chambre, l’idée de s’y enfermer lui apparaît comme une planche de salut au milieu de cet océan de nouveauté. Alors qu’elle va emboiter le pas de Weegee, le Jedi poursuit et sa démarche se suspend. La panique, à cette annonce, est visible dans les yeux de l’archéologue. Elle n’en a pas la moindre envie. Elle a besoin d’un peu de temps, un peu de temps pour se recentrer sur elle-même, un peu de temps pour digérer tous ces changements et ce qu’ils impliquent. C’est beaucoup trop tôt ! Elle se mord l’intérieur de la joue plus fort, mais ne répond rien. Elle se contente de déglutir et de se tourner vers les gens présents, n’écoutant plus, ou à peine, le Jedi sur le départ. Inspirant un grand coup, elle tente de se donner du courage.

Son regard recommençant à aller d’un atelier à l’autre, Lexie essaie de déterminer dans lequel elle pourrait se fondre le plus aisément, ce qui lui est extrêmement difficile. Tous ont l’air concentrés et dédiés à leur tâche, et l’archéologue ne se voit pas les interrompre… Et puis, elle finit par la voir, cette petite fille, au visage vaguement familier… Après quelques secondes de flottement, Lexie finit par la reconnaître. C’est la petite fille de Hoth. Ses épaules s’affaissent sensiblement. C’est vers elle qu’elle doit aller en premier. Elle le sait. Un peu comme dans un état second, la jeune femme contourne les uns et les autres, de loin, mais sans jamais changer d’objectif, jusqu’à venir silencieusement s’agenouiller près de l’enfant, le regard lourd de tristesse et de culpabilité. Quitte à commencer une nouvelle vie, autant le faire en demandant pardon à ceux desquels elle l’a brisée en brisant la sienne…

[…]

Au troisième top, ça fera exactement six mois que Lexie a mis les pieds sur l’Espérance. Six mois passés en un clin d’œil. Elle a beau se regarder brièvement dans la glace tous les matins, se reconnaître, Lexie n’est plus la même personne. Son corps a changé. Elle a perdu le peu de graisse superflue qui lui restait, au profit d’une musculature fuselée. Elle est plus ferme, plus précise dans ses gestes… Mais ce n’est pas le plus gros des changements qui l’a frappée, loin s’en faut. C’est dans sa tête que tout a changé. A présent, la peur n’est plus qu’un lointain souvenir. S’il lui arrive encore d’éprouver quelque appréhension, ça ne dure jamais vraiment longtemps. Sa personnalité s’est teintée d’une nuance de calme, de sérénité, qu’elle n’avait pas auparavant. Elle est toujours aussi obstinée, mais plus ouverte. Elle est beaucoup plus disciplinée aussi, a une routine qu’elle respecte religieusement. Debout de bonne heure, elle consulte l’holocron, qu’il lui a fallu deux semaines pour ouvrir. En guise de réveil, le fantôme lui dispense sa sagesse millénaire, mais surtout, corrige ses mouvements, s’ils en ont besoin, quand elle s’entraîne à manier la vibrolame. C’est assez bref, mais Lexie y tient. Elle le fait tant qu’elle le peut, parce qu’incessamment sous peu, elle devra le rendre à Kyle, et d’ici là, elle espère avoir cristallisé la leçon dans son esprit.

Une fois réveillée, les autres padawans et elle se rejoignent pour le petit déjeuner, et les ateliers commencent, en toute autonomie quand les maîtres ne sont pas présents pour dispenser eux-mêmes les leçons. Le destin a voulu que Sally, la petite fille d’Hoth, et Lexie fassent régulièrement équipe. De par son jeune âge, la plus petite offrait à la plus vieille son ouverture d’esprit, nécessaire dans la compréhension de la Force, tandis que la plus vieille lui offrait son pragmatisme et l’aidait à déterminer comment appliquer son savoir dans la vraie vie. Il n’y a que pour le maniement des armes que Lexie s’apparie avec des jeunes gens de son âge. L’entraînement à la vibrolame est, de loin, l’atelier qui lui a posé le plus de difficultés. N’ayant jamais manié aucune arme d’aucune sorte à l’exception de ses aventures sur Dxun, et en ayant toujours été tenue très éloignée par son père, il lui a fallu beaucoup de temps pour comprendre quel intérêt elles pouvaient avoir. Pire, elle y a longtemps mis une rare mauvaise volonté, comme fermement déterminée à ne jamais se servir d’un engin de mort. Philosophiquement, elle n’intégrait pas qu’on puisse pouvoir se battre pour la paix. Pour elle, c’était un paradoxe. Ce n’est qu’à une intervention de Kyle qu’elle doit de s’y être mise sérieusement. Eclairé et pragmatique, le Jedi a fait disparaître le paradoxe en lui expliquant que si leur voie était celle de la paix, ce n’était pas le cas de tout un chacun et que c’était un art nécessaire à la défense des plus vulnérables, qu’à tout moment, elle devait être capable de le faire, tout rat de bibliothèque puisse-t-elle se revendiquer. Ça n’a pas vaincu la totalité de ses réticences, mais ça lui a permis d’au moins commencer à s’entraîner sérieusement. La discipline et la concentration dont il lui fallait faire preuve ont fait le reste. Lexie se dévoue volontiers à tout ce qui l’oblige à se concentrer, tout ce qui stimule son intellect. Pleine de préjugés, elle pensait que les vibrolames étaient faites pour les barbares sans cervelle. Loin s’en faut, même si l’archéologue excelle surtout en combat dans sa flexibilité de pensée, à la façon dont elle exploite l’environnement, plutôt que dans le duel pur et dur.

Et ce matin-là, c’est justement ce par quoi elle commence, après une courte heure de méditation. Avec le calme et la sérénité qui la caractérisent d’avantage à présent, Lexie a pris le temps nécessaire pour se préparer et se mettre en position. Son opposant pour ce combat en faisant de même. Au moment où la joute commence, l’ascenseur s’ouvre pour laisser entrer Kyle Katarn, ce qui déconcentre, très brièvement, son adversaire. Rapide, Lexie saute sur l’occasion et lui fauche les jambes à l’aide de son arme, le prenant par surprise, le faisant tomber au sol. Avant qu’il n’ait le temps de se relever, l’archéologue est sur lui, le tenant en joue avec sa vibrolame, qu’elle éteint aussitôt, avant de l’écarter et d’aider son compagnon à se relever. Elle n’a pas, et n’aura jamais, la soif de sang de sa mère, Lexie, mais en a bien sa détermination. Elle sait qu’elle est aussi déterminée à épargner que sa mère l’était à achever. Pour la mandalorienne, mettre hors d’état de nuire suffit largement. N’a-t-elle pas fait suffisamment de victimes dans sa courte vie en ouvrant un holocron qui n’aurait jamais dû l’être ? La joute terminée, l’ensemble des padawans, Lexie comprise, s’en vient vers Kyle. Peut-être qu’aujourd’hui serait un jour de leçon ?

En constatant que le Maître Jedi dispense des conseils personnalisés, et renvoie gentiment chacun des padawans, Lexie s’attend à recevoir aussi son petit conseil, et à s’en retourner à son entraînement. De ce fait, la question posée ne la surprend pas des masses. Elle hausse négligemment les épaules, signe que ce n’était, à ses yeux, pas grand-chose et que n’importe qui aurait pu en faire de même. « Attaque d’opportunité, il s’est déconcentré. » Non seulement n’importe qui peut faire la même chose, mais, Lexie le sait d’expérience, n’importe qui qui souhaite réellement nuire veut utiliser ce genre de bassesse. En six mois, l’archéologue, déjà pragmatique à son jeune âge, l’est devenue plus encore. Un danger à la fois, le plus immédiat en premier. Ça aussi elle l’a intégré grâce à ses pérégrinations, il y a toujours quelque chose. Sur l’Espérance, les duels sont faciles. L’ennemi est face à soi, il est préparé et soi-même, on est préparé à l’affronter. Dans le monde du dehors, ça vous tombe dessus sans prévenir. C’est un jeu que Lexie a réclamé à ses camarades, que de parfois l’attaquer à des moments inattendus… Histoire de lui permettre de développer ses réflexes. Comme le disait Socrate, Lexie, à son exemple, n’est certaine que d’une seule chose… C’est qu’elle ne sait rien. Même si ça ne fait que six mois qu’elle est là, elle en est sûre, elle ne sera jamais assez. Assez prête, assez forte, assez rapide. Tout ce qu’elle peut, c’est aspirer à mieux, ce à quoi elle s’escrime depuis son arrivée avec la détermination qui la caractérise. Elle ne s’arrête pas, ou peu, ayant déjà lu tout ce qui lui tombait sous la main au moins une fois, et ayant continué à travailler en parallèle, le soir, sur les gravures du temple qu’ils avaient visité avec Kyle. Elle dort peu, médite à la place, et s’abîme très régulièrement, comme elle l’a toujours fait par le passé, dans les méandres des livres.

La première « attaque surprise », elle lisait justement, sur le chemin du déjeuner. Ça n’a pas duré longtemps, et ça a été une catastrophe, révélateur d’à quel point elle était négligente. Et puis, petit à petit, elle s’est améliorée. Elle a appris à reconnaître les signes d’une attaque imminente, et s’il lui arrive encore de cafouiller parfois, ses réflexes sont déjà bien meilleurs. Quoiqu’il en soit, plus que sa rapidité d’exécution, c’est surtout la distraction de son partenaire qui lui a permis de remporter le duel ce matin. La bonne nouvelle dans l’optique de Lexie, c’est qu’il ne referait sans doute pas cette erreur et qu’elle devra faire preuve de plus d’inventivité, chose qui lui plaît beaucoup, lors de leur prochain duel. Comme Kyle lui fait signe de le suivre, elle s’exécute, intriguée, tandis que son adversaire s’en retourne à l’atelier. Elle s’imagine qu’il va lui réclamer l’holocron et le journal, mais à la place, sort une boîte des replis de sa cape. La dernière fois qu’il l’a fait, il lui a donné l’holocron justement, qui a été pour elle une énigme passionnante à résoudre. A sa curiosité naturelle du coup se couple une excitation d’enfant juste avant de déballer un cadeau de Noël…

Et puis, l’excitation retombe un peu comme un soufflé. Les épaules de l’archéologue s’affaissent sensiblement. Le moment la laisse très partagée. D’un côté, elle est honorée, et fière, que Kyle l’estime prête à créer son sabre laser, de l’autre… Elle a l’impression de bénéficier d’un raccourci intolérable. Elle sait, pour avoir déjà consulté cet ouvrage et en avoir déjà discuté avec Luke Skywalker quand la question a été posée par d’autres, peu de temps après son arrivée, que les padawans sont sensés aller chercher eux-mêmes leurs cristaux et que, dans la même veine que l’ouverture de l’holocron, c’est aussi un test pour trancher entre ceux qui sont dignes de manier le sabre laser, et ceux qui ne le seront jamais. Dans sa grande incertitude, Lexie craint, en obtenant ainsi son propre cristal, de ne jamais savoir vraiment si elle le mérite. « Merci… » Sa voix est basse, triste, quand elle récupère avec lenteur la boîte, qu’elle contemple longuement. D’autres sont là depuis plus longtemps et n’ont pas encore passé ce cap. Elle se sent totalement illégitime, en dépit des efforts fournis. C’est sans doute là, le pire. Elle a travaillé très dur pour être prête au plus tôt, pour pouvoir aller réparer ses bêtises sur Hoth… Mais elle préférerait y aller avec une vibrolame et un blaster, et prouver qu’elle mérite de passer ce cap comme ce doit être fait, plutôt que d’avoir la sensation que seule l’urgence de la situation la pousse là où elle est. Cela étant, elle ne rend pas la boîte à Kyle. Pas cette fois. Elle comprend qu’au-delà de sa situation personnelle, c’est surtout le sort d’explorateurs qui est en jeu, et que leur sort est bien plus critique que le sien. Elle comprend qu’avoir cette arme pourra faire la différence là-bas, et comprend qu’elle ne peut se permettre de dire « Non ». Cependant… « Maître… ? » Elle fronce légèrement ses sourcils, cherchant un peu ses mots, avant de lever les yeux vers Kyle. « Est-ce que, quand l’holocron de Hoth sera désactivé, je pourrai aller chercher un cristal moi-même s’il vous plaît ? » Elle ne développe pas d’avantage. Le Jedi est assez intelligent, et a assez échangé avec elle, pour deviner quel genre de scrupule l’étreint. Elle fera comme il le lui a dit, sait d’ailleurs déjà comment procéder, avec méthode, comme elle l’a toujours fait. Comme elle l’a promis, elle l’accompagnera sur Hoth et fera tout ce qu’elle peut pour réparer ses torts. Mais après ça, elle espère quand même avoir l’opportunité de prouver, autant pour les autres que pour elle-même, qu’elle n’est pas totalement bonne à rien et n’a pas volé le droit de porter son arme…

Entendre que, plus tard, elle pourrait avoir l’occasion d’aller chercher son propre cristal suffit amplement à remonter le moral de Lexie. Si le tout n’est qu’une affaire de patience, de timing, elle se sent capable de faire avec, et s’apprête à remercier Kyle, et à partir, quand il pose sa main sur son épaule, faisant s’en retourner vers lui les opales de Lexie. Le jedi est perspicace. Dans la simple question, presqu’anodine, de l’archéologue, il a su déceler la vraie interrogation. Immobile et silencieuse, la jeune femme écoute avec attention, et petit à petit, les pièces s’imbriquent doucement. Elle comprend. Elle comprend les enjeux, les tenants et aboutissants, et finalement, grâce aux quelques mots de Kyle, ressent pleinement la fierté et l’honneur que tout padawan se doit de ressentir à ce moment très particulier de son apprentissage. C’est donc sans surprise un regard neuf qu’elle pose sur la boîte, qui lui apparaît maintenant comme le trésor qu’il a toujours été, et qu’elle affermit sa prise dessus, recouvrant l’entièreté de sa détermination. « Dans ce cas, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour ne pas vous faire mentir. » Au final, c’est ça, le plus important. Peu importe la lourdeur des rochers que la Force lui permet de soulever, il n’y a que l’idée d’atteindre une certaine mesure de dignité en tout qui meut Lexie. Ça ne l’a jamais intéressée d’être la plus…. Elle souhaite simplement ne jamais donner l’impression à Kyle, ainsi qu’aux Jedis dans le sens large du terme, qu’ils ont eu tort de la faire rejoindre leurs rangs.

« Je pense que j’aurai terminé la construction demain… » Fait-elle, en dardant sur la boîte un regard intense, comme si en le voulant assez fort, elle finirait par voir au travers. « Vous serez là ? Je veux dire… Essayer de gérer un sabre laser sans Novosith dans les parages, ça a l’air trop facile… Il faut au moins un challenge équivalent ! » Elle plaisante, donnant un tout petit coup contre l’épaule du Maître Jedi, son sourire s’étirant d’une oreille à l’autre. « Bon, j’y vais. A plus tard et encore merci Maître ! » Ce disant, elle lui adresse un signe de la main et se dépêche de rejoindre l’atelier, qu’elle avait déserté à son arrivée. Elle a beau brûler d’envie de se pencher sur la confection de son arme, elle pose délicatement la boîte à un endroit d’où elle sait ne pas pouvoir la perdre de vue, et reprend son entraînement, parce qu’après tout, sabre laser ou pas, elle a encore beaucoup de choses à apprendre…

[…]

Le réveil est dur, la sonnerie plus agressive qu’elle ne l’est d’habitude. Probablement parce que Lexie a peu dormi, et la joue sur son bureau. Se redresser la fait légèrement grimacer, son dos proteste. Mais elle est jeune, et un étirement suffit à son salut. Résistant à l’envie de bâiller, elle se frotte les yeux et les repose sur le champ de bataille qui lui sert de plan de travail. Elle s’est endormie sur les dernières minutes de finalisation de son arme. A peine le temps d’attendre que la machine finalise l’équivalent d’une soudure pour la laie de cuir dont elle a entouré la partie du manche qui lui servirait à prendre le sabre en main, elle a sombré. Du coup, elle ne sait pas encore s’il marche… Il ne reste plus qu’à y mettre le cristal. Par habitude, d’une légère impulsion de Force, la padawan ouvre l’holocron, duquel émerge le fantôme familier du padawan Dankeat. « Bonjour Dankeat ! » Elle le salue avec légèreté, mobilisant surtout sa concentration pour pouvoir finaliser son arme. « Bonjour Padawan. Es-tu prêt à écouter le contenu de cet holocron ? » La main de Lexie s’agite quelque peu dans sa direction. « Donne-moi quelques minutes s’il te plaît… » Ce à quoi le fantôme répond en se murant dans le silence, laissant à l’archéologue toute la latitude dont elle a besoin pour ouvrir la boîte donnée la veille par Kyle, et, après avoir enlevé l’une après l’autre chacune des protections gardant le cristal vert sous scellé, introduire ledit cristal dans le manche, censé être fin prêt, de Lexie. A l’aide de pinces adaptées et usant d’infinies précautions, la jeune femme glisse la pierre luminescente entre des griffes qui se referment délicatement sur lui en sécurisent la position, avant de refermer l’arme.

Quand c’est fait, que l’arme est verrouillée, et que ses derniers outils sont posés, un frisson naît au creux de ses reins et lui remonte le long de l’échine. Elle se mord l’intérieur de la joue. Créer son propre sabre a été, finalement, relativement court pour elle qui est habituée aux travaux de très longue haleine… Mais ça a été très intense. Elle en a choisi chaque pièce, et le résultat lui plaît, au-delà de toute espérance. Le manche est simple, sobre, d’une longueur bâtarde, il lui autorise une excellente maniabilité à une main, mais permet aussi de le prendre à deux. L’acier est sans fioriture, monochrome. Le cuir dont Lexie a recouvert le manche est noir, lui aussi simple. L’embout, comme le reste, est des plus banaux, arrondi. En soit, rien ne distingue cette arme, si ce ne sont les quatre petites excroissances qui viennent accompagner la base de la lame, presque comme des griffes. Il est simple et fonctionnel, sans fioritures, mais léger et maniable, adaptable, exactement comme l’a voulu Lexie. Arrive donc le moment de vérité.

Lentement, la jeune femme se lève, résistant à l’envie de revérifier pour la cinquième fois que toutes ses soudures ont été faites au bon endroit, les bons composants installés aux emplacements adéquats… Et s’empare de l’arme, active le bouton, faisant jaillir dans la seconde, accompagnée du son que chacun peut reconnaître, la lame de son sabre laser, verte. Son sourire s’étirant d’une oreille à l’autre, la jeune femme regarde fixement la lame pendant de longues secondes… Avant de la désactiver… Et de se mettre à trépigner comme l’enfant qu’elle est encore parfois. « Wouhouuuuuuuuuu !! » Elle crie sa joie, forte de son succès, et, balance pêle-mêle l’holocron et ses bottes dans un sac, avant de se précipiter, en sprintant aussi vite qu’elle le peut, vers la salle d’entraînement. Vide à cette heure-là, comme Lexie l’espérait. Posant aussi délicatement que le lui permettent ses doigts, tremblant légèrement d’excitation, la pyramide de verre sur le sol, elle se jette elle-même au sol juste après pour se dépêcher d’enfiler ses bottes, et c’est encore toute échevelée et assez débraillée qu’elle se met en position, son arme toute neuve à la main, le cœur battant à tout rompre. « Vas-y Dankeat, envoie la leçon ! »

Depuis le temps qu’elle se la repasse en boucle, Lexie connaît cette leçon par cœur. Rien d’étonnant donc, à ce que sa position soit déjà celle que l’holocron doit commencer par lui indiquer de prendre… Chose qu’il ne fait pas, et pour cause ! Elle se retourne juste pour apercevoir la petite pyramide atterrir dans la main de son propriétaire légitime. Les yeux de l’archéologue s’ouvrent quelque peu de surprise, mais elle ne réplique rien, puisque la surprise s’en est allée aussi vite qu’elle est venue. Pire, elle esquisse un petit sourire, la padawan, en se figurant le maître jedi méditant une partie de la nuit ici, pour la surprendre au petit matin. Bien sûr, elle sait que ça ne s’est pas passé comme ça, mais l’idée d’un Kyle Katarn piquant du nez, assis en tailleur, l’amuse.

Gardant ses réflexions pour elle, et puisqu’elle ne peut pas tenter une fois un chemin connu pour s’habituer à une arme inconnue, elle en prend son parti, éteint son arme qu’elle pose à ses pieds et renverse sa tête en avant, histoire de nouer correctement sa tignasse noire haut au-dessus de sa tête en un chignon approximatif, tout en écoutant la leçon non plus holographique mais cette fois bien réelle, vivante, adaptée. Le temps que lui donnent ce geste et les explications du maître suffisent à faire retomber l’intenable excitation de Lexie pour la remplacer par de la concentration. Les sabres lasers sont des armes dangereuses, ce n’est pas pour rien que peu de gens les manient. Au final, ce n’est peut-être pas plus mal qu’elle ne réécoute pas la leçon de l’holocron. Peut-être que ça lui aurait valu de perdre un membre ?

Ses cheveux attachés, Lexie reprend son arme et se redresse, observant les sondes s’élever dans les airs. Pour avoir déjà vu pratiquer et pratiqué elle-même cet exercice, elle sait en quoi il consiste. Ses résultats, cependant, sont souvent mitigés. Autant elle peut déployer de vrais trésors de patience dans des analyses ou des reconstitutions d’objets, ou dans bien d’autres domaines… Autant dans cet exercice, Lexie perd souvent patient. Les tirs erratiques et par trop espacés (non sans raison cela dit, elle le comprend parfaitement) lui donnent l’impression d’être à un rythme de tortue… Source d’une énorme frustration pour elle. Mais aujourd’hui, elle fera l’effort. Elle fera de son mieux pour être patiente. C’est ce qu’elle se dit, ferme et déterminée, en saisissant le bandeau et en le nouant sur ses yeux fermés. Pas de triche. Elle n’est faite de ce bois-ci.

Suivant les indications de Kyle, la jeune femme se met en position et se calme tout à fait, inspire et expire à fond, se concentre… Et l’exercice commence. L’occasion, sans doute, pour Kyle, de mesurer les progrès de Lexie dans son appréhension de la Force. Grâce à l’aide de Saddie, aux différents manuels qu’elle a pu lire ainsi qu’à la leçon contenue dans l’holocron, elle a pu intégrer des principes qui lui ont échappé toute sa vie. Elle a pu croire, tout simplement, chose qu’elle ne parvenait pas à faire auparavant, prisonnière qu’elle a toujours été d’un monde de faits et de pragmatisme, de réalité sans rien d’autre à quoi se raccrocher. Avec l’aide de la petite, l’archéologue était parvenue à lâcher un peu de lest, à accepter l’idée qu’elle pouvait faire des choses comme de la télékinésie, et que tout ce qui lui manquait, c’était un peu d’entraînement. Ce verrou débloqué, l’archéologue a vite progressé. Du coup, sans que ses gestes soient optimaux, elle parvient à bloquer les tirs des sondes dans leur grande majorité. Pendant plusieurs longues minutes, elle se prête à l’exercice, refusant de céder à son impatience… Encore un peu, encore un peu… Elle se surine, bien déterminée à mener à terme cet exercice, en dépit du fait d’être parvenue à situer les trois sondes déjà. Encore un peu… Elle rate, dans sa tentative de bloquer un tir. Blasée, elle se sert de la Force pour projeter les deux sondes les plus proches l’une sur l’autre, les fracassant, et d’un mouvement souple du poignet, fauche la troisième à l’aide de son sabre quand elle lui passe devant.

C’est allé très vite, Lexie ne prend conscience d’avoir ruiné les outils d’entraînement qu’une fois que le mal est fait. Eteignant son arme, c’est une mine désolée, bouffie de remords, qu’elle affiche en enlevant son bandeau pour se tourner vers le Maître Jedi. « Je suis vraiment désolée… C’est ce que je veux toujours faire à chaque fois qu’on fait cet exercice… » Se sentant fautive, coupable, elle se sent obligée de se justifier. « Je ne vois pas l’intérêt de prendre des tirs de blaster si on peut mettre hors d’état de nuire la source desdits tirs… » C’est la première fois qu’elle exprime ses doutes, non pas sur le fondement même de l’exercice qu’elle comprend très bien, mais quant à sa propre capabilité de mener à bien un tel exercice où l’instinct est sensé primer, quand son propre instinct n’intime qu’à l’écart immédiat de la source de ce qu’ils souhaitent être perçu comme un danger. Peut-être que Kyle pourra lui apporter un éclairage différent sur la chose et lui permettre de finir son exercice…

Ce n’est pas une surprise pour Lexie que de s’entendre dire que sa façon de penser n’est pas la bonne. Elle a le recul nécessaire pour s’en rendre compte, pour la simple et bonne raison que, relativement humble, elle se doute que des ordres millénaires de jedis ne se sont pas vus imposer cet exercice pour le fun. Il a un but, forcément, même s’il lui échappe. Ou en tous cas, lui échappait jusqu’à ce que Kyle remette les choses dans leur contexte, et lui explique. Forcément, elle baisse les yeux. Forcément, elle n’avait pas pensé à ça. Forcément, elle a envie de lui répondre que, non, bien sûr que non elle n’aurait jamais fracassé une personne contre une autre, mais un blaster… Raté. Toujours mauvaise façon de penser. Si l’histoire a retenu quelque chose, c’est que les peuples n’ont jamais aimé les missionnaires armés. Lexie soupire discrètement, acceptant sans sourciller une leçon bien méritée. Docile, elle part s’isoler pour méditer, laissant le maître jedi s’en aller avec les débris de sphères.

Pourquoi est-ce qu’elle a cette arme ? Oui, pourquoi ? Pourquoi elle et pas quelqu’un d’autre ? Qu’est-ce que ça change ? Après tout, elle n’avait rien demandé à personne elle…

Pendant toutes les heures que durent ses réflexions, Lexie passe par toutes sortes d’émotions, toutes plus contradictoires les unes que les autres. La désolation, la colère, le remord, le mépris de soi, l’indignation et plus encore… Tout cela pour finir par en revenir à la paix, la paix et son pragmatisme qui oblige Lexie à accepter ce qu’elle ne peut changer, et à faire en sorte d’être la meilleure version d’elle-même. Parce qu’au final, pour elle, c’est ce vers quoi doit tendre quelqu’un qui a cette arme. Lui reviennent en tête quelques notions qu’il lui arrive, peut-être moins dans son comportement mais plus dans ses réflexions, bien souvent d’avantage tournées vers de l’inerte que du vivant, d’oublier. Compassion sans sensiblerie, impartialité, sacrifice, discipline… La paix calme les émotions, retient les gestes impulsifs et, de ce fait, inconsidérés. Si on ignore les tours et détours d’une histoire, on peut mal l’apprécier. La connaissance est la clé. Et enfin, si chacun réfléchissait d’avantage avant d’agir, alors la galaxie serait sans doute beaucoup moins chaotique, plus harmonieuse…

Au retour du maître jedi, Lexie est tout à fait calmée. Plus que cela, elle est froidement déterminée à réussir cet exercice. Si elle note l’absence de la bure usuelle de Kyle, elle ne la relève pas et se contente de le considérer avec juste un rien de curiosité. Quand elle comprend de quoi il retourne, après qu’il se soit agenouillé au milieu des sondes et ordonné de se bander les yeux et d’approcher, une pierre tombe lourdement dans son estomac. Elle serre les dents, sentant la peur la gagner à l’idée de blesser le maître jedi. Aujourd’hui mis à part, elle n’a jamais eu cette arme mortelle en main qu’une seule fois, et n’a fait que l’allumer au bon moment, la lame trouvant son chemin toute seule à travers l’encéphale du Novosith… Et si elle ratait un mouvement et lui coupait un membre ? Ou pire… Pendant une seconde, Lexie hésite à refuser, à demander un autre exercice, que ses yeux ne soient pas bandés ou qu’il ne reste pas là… Ce qui la retient ? La conviction qu’il refusera. Au milieu de tout cela, la seule idée qui parvient un tout petit peu à la rasséréner est que Kyle ne se prêterait sans doute pas à l’exercice s’il ne la pensait pas capable d’y arriver, d’une façon ou d’une autre. Alors elle se mord nerveusement l’intérieur de la joue, Lexie, mais finit par se bander les yeux et obéir. Son sabre laser est actionné, et l’exercice commence.

Il dure, l’exercice. Longtemps. Mais l’archéologue ne lâche rien. Au début, bien que faisant de son mieux, elle est trop raide pour parvenir à bloquer tous les tirs, pas assez rapide, alors, bêtement, elle essaie plusieurs fois de bloquer le tir avec sa main, voire avec son elle-même si elle craint que dans ses gestes elle ne blesse le maître Jedi, ce qui résulte à chaque fois à la même finalité : elle se déconcentre, endure plus de tirs jusqu’à ne plus en bloquer aucun et finir par terre et endolorie. Mais elle est résolue, obstinée, alors à chaque fois, elle se relève, sans dire un mot, et recommence, ayant appris des fois précédentes. Au bout de plusieurs heures à ce rythme, le changement est radical. Elle a compris, et applique ce qu’elle a compris. Ses mouvements, ses déplacements, sont plus fluides. Percevant bien mieux son environnement, elle sait quand elle doit décrire des courbes amples et quand uniquement son poignet doit bouger, incliner subtilement la larme. Elle a, tout simplement, bien plus confiance en elle et appris qu’elle pouvait se fier à son instinct. Est-ce qu’elle relâche sa concentration pour autant ? Non. Kyle n’a pas mis un terme à l’exercice, et quoi qu’il arrive, même si elle a compris le principe, il est aussi des plus évidents que rien ne remplace la pratique en matière de développement des réflexes ! Alors en la matière, tout entraînement est bon à prendre !

C’est physique, sans doute la chose la plus physique que Lexie ait jamais faite, et sans doute grimacera-t-elle, courbaturée, demain, mais elle tient bon. Elle inspire longuement, respire profondément, puisant à chaque fois la ressource nécessaire de bloquer un tir supplémentaire, puis encore un autre… Ici, de se déplacer de trois pas, de tourner sur elle-même, de faire plonger sa lame et d’en frôler Kyle, pour la relever dans son dos et en bloquer d’avantage… Sans se plaindre, sans s’arrêter, presque en s’oubliant tout à fait, oubliant qu’elle est un être fait de chair et d’os et sa lame de métal. Dans une grande paix intérieure, elle oublie la douleur et la fatigue des muscles, la moiteur de sa main contre le cuir de la poignée de son sabre s’assèche… Et Lexie est plus légère. Elle ne remet vraiment les pieds et la tête « sur terre » qu’au moment où les sondes, plutôt que de léviter à des hauteurs chaotiques, mais plus ou moins à toujours la même distances, s’éloignent bien d’avantage sous l’influence du maître jedi. C’est le signal que l’exercice est terminé, et donc que Lexie peut enlever son bandeau. Ce faisant, alors qu’elle reconnecte progressivement aux différentes parties de son corps, elle s’aperçoit que sa bouche est desséchée et son front inondé. Elle essuie d’un revers de main le second et attend patiemment que l’obligeant zabrak revienne avec de l’eau… Pour se la faire voler par le maître jedi. Lexie éclate d’un rire haut et clair, parfaitement spontané. «Bah bravo ! » Elle commente, faussement indignée, usant même de la Force pour faire se soulever la gourde pendant que Kyle boit, espérant ainsi qu’il s’en renverse dessus. Une blague tout à fait innocente.

Répondant par l’affirmative à sa question, elle accueille avec bonheur la gourde à son tour et la siphonne intégralement, sans cérémonie. Dire qu’elle ne pense pas en être quitte pour aujourd’hui serait un mensonge. Du coup, elle est un peu surprise que cette pause qu’elle pensait être la fin soit si courte. Malgré tout, aucune plainte ne sort de sa bouche. Ce serait gaspiller son temps, sa salive, son énergie… Et à voir la posture de Kyle, Lexie comprend rapidement qu’elle va avoir besoin de chaque particule d’énergie qu’elle pourra manifester. Un duel avec le maître, rien que ça… Et devant tout le monde en plus. Lexie baisse un peu les épaules. Si sa détermination n’est en rien ébranlée, elle s’interroge sur l’intérêt de les faire échanger. Leur différence de niveau est trop grande, selon elle, pour que ça soit instructif. Et elle est déjà fatiguée par l’exercice précédent… Cela étant, faire sa mauvaise tête ne l’amènera nulle part. Autant faire de son mieux. Faisant donc le vide dans son esprit, la jeune femme se met en position… Et le duel commence.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle est dans la défense, Lexie. Il faut dire, elle n’a pas encore l’expérience nécessaire pour se lancer dans les ouvertures qu’elle perçoit, souvent trop tard. Mais elle se défend, et fait de son mieux. Elle esquive beaucoup plus qu’elle ne pare, ayant déjà compris ça sur son corps que ça lui coûte beaucoup moins sur le long terme d’agir ainsi. Légère et rapide, elle est relativement agile, un peu comme une danseuse. Elle qui se sentait un peu oppressée au début du duel s’aperçoit bien vite qu’elle n’a pas le temps de se soucier du regard des autres, qui se mêlent tous de toute façon dans son champ de vision périphérique. A plusieurs reprises, les spectateurs sont contraints de reculer, cela dit. Lexie exploite l’espace. Elle en perd énormément, et ne le regagne jamais vraiment. Elle y revient, à la faveur des errances du duo et des chocs de leurs lames l’une contre l’autre. Elle essaie, Lexie, plusieurs techniques. Elle essaie les mathématiques d’abord, essaie, implicitement, de déterminer la séquence de coups, si elle existe, du maître jedi. Ce qui lui vaut de finir au sol à plusieurs reprises. Elle essaie, ensuite, de voir si un côté est plus faible qu’un autre, et elle tombe plus encore. Mais elle se relève. Et continue, aussi longtemps que le lui imposera le maître jedi. Et elle essaie d’autres trucs, comme balancer à son visage via la Force divers objets qui traînent. Son bandeau, la gourde, les sondes… N’importe quoi qui pourrait le distraire et lui donner un avantage ou une possibilité de fuite. Elle essaie tout ce à quoi elle pense, Lexie, cherchant à prendre son parti de tout ce qui l’entoure avec autant d’imagination que possible, en espérant retarder son inéluctable, et d’ores et déjà maintes fois consommées par ses différentes chutes, défaite…

[Hj : j’aurai bien mis le lien youtube du « Duel of fate » pour la déconne xD]

« C’était pas mal, Lexie. » Pas mal. C’est déjà bien, en tous cas pour un début, aux yeux de l’archéologue qui prend la main tendue de son maître et se relève, péniblement. Le paradoxe la frappe, d’ailleurs. Elle est tombée et a dû se relever un nombre incalculable de fois depuis le début de leur échange, mais c’est cette fois-ci, la dernière, qui lui est la plus difficile… Sans doute la tension dans l’effort a-t-elle tu sa fatigue et son endolorissement jusqu’à un certain point. Et là, maintenant que c’est fini, ça la rattrape. Mais c’était pas mal. Ce constat vaut, aux yeux de Lexie, toutes les gouttes de sueur versées. Après tout, ça aurait pu être lamentable, désolant, ou vraiment limite. Mais non. C’était pas mal.

Gentiment congédiée par le maître, la jeune femme opine silencieusement du chef et prend la direction des douches. Sur le chemin, elle se rend compte qu’elle a mal absolument partout, aux muscles bien sûr, mais aussi à la multitude de bleus qui commencent à fleurir un peu partout sur sa peau. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Kyle Katarn n’y va pas de main morte… Son pas est lent quand elle se montre au réfectoire pour dîner, et des cernes creusent déjà ses yeux. S’attablant avec plusieurs padawans, sitôt assise, les échanges et commentaires concernant la passe d’arme de la journée s’enchaînent. « Moi tu vois, j’aurai plutôt fait comme ça… » Un premier de la classe, une tête, l’aborde ainsi. « Ah… » répond Lexie, dont les forces physiques comme mentales ne se sentaient pas de rivaliser avec lui ce soir. D’autres acquiescent, d’accord avec lui, et d’autres non. Au final, elle ne rentre pas trop dans la discussion, plutôt absorbée par son repas et la recherche du calme intérieur. Elle a eu assez d’agitation pour la journée. Elle écoute distraitement, cherchant à relever et retenir les commentaires ou idées qui lui sembleraient pertinentes à appliquer pour le lendemain, jusqu’à ce qu’on la prenne à parti. « Il est dur quand même, Maître Kyle, tu trouves pas ? C’est plus facile avec Maître Luke je trouve… » Les regards de la tablée convergent vers elle pour recueillir son opinion, alors qu’elle venait de mordre dans un énorme morceau de pain. Achever ledit morceau l’aide à temporiser et à réfléchir à ce qu’elle va dire… « Je trouve pas. » En haussant négligemment les épaules. Non, elle ne trouve pas. Ils ont deux façons d’enseigner différentes, Lexie se retrouve dans les deux, selon ce qu’elle doit apprendre. Intellectuellement, elle préfère la patte complaisante et patiente de Maître Luke, parce que ça fonctionne mieux avec son égo, aussi fort essaie-t-elle de le maîtriser. Mais physiquement… Sans le côté implacable et exigeant de Maître Kyle, elle se reposerait sur ses lauriers et ne ferait aucun progrès, elle le sait. Plus encore, pour avoir déjà eu un avant-goût de tout ce qui peut traîner de terrible dans l’univers, gardant toujours en tête sa rencontre avec le Novosith, Lexie est reconnaissante envers Kyle de ne pas l’épargner. Aujourd’hui, chacune de ses passes manquées a fait naître l’idée que dans le temple, c’était une pince d’insecte qui se refermait sur son pied, ou encore à chaque faux pas, c’aurait été une lame ou un tir de blaster qui l’atteignait. La galaxie est inhospitalière, et les embûches qu’ils ne vont pas manquer d’y rencontrer mortelles. Les duels comme celui-ci, dans le vrai monde réel de la réalité véritable, ne se termineront pas avec une claque dans le dos et une poignée de main avant que l’un ou l’autre ne soit mort. C’est une idée venue à Lexie pendant sa douche, pendant qu’elle cherchait elle-même à remettre les choses en place après le duel. Et depuis, elle est fixée là-dessus, parce que s’acharner pour s’acharner sur elle lui semble beaucoup moins cohérent de la part de Maître Katarn. Après tout, il n’aurait rien à y gagner et la cruauté gratuite n’a absolument pas l’air d’être dans son caractère…

Quoiqu’il en soit, quand il est devenu évident pour tous que Lexie, en dépit de leurs attentes, ne s’appesantira pas plus sur le sujet, leur discussion reprend sans elle. Il n’y a qu’à la fin où l’un d’eux, étant resté plutôt discret jusque-là mais ayant remarqué les quelques grimaces de douleur de la jeune femme lors de ses différents mouvements, s’est approché pour lui tendre une petite boîte ronde. « Tiens. Mets-t-en où tu as mal. Il y a du kolto dedans, ça te soulagera. » Lexie a accueilli l’attention avec gratitude et n’a pas traîné ni demandé son reste pour retourner à sa chambre, se mettre le baume sur ses contusions, et plonger dans un sommeil sans rêve.

[…]

Elle a perdu le compte. D’abord celui des jours, et puis celui des semaines. S’entraîner, manger, dormir, répéter. Pas d’interruption dans le cycle. Situation très difficile au début, en particulier pour les nerfs, ça s’amenuise au fur et à mesure que le temps passe. Lexie s’adapte. Elle s’habitue, s’habitue à ce que son corps lui fasse mal jusqu’à ce qu’elle ne la calcule plus. Elle gagne en détermination. Elle apprend à récupérer vite, repousse, chaque jour, un peu plus loin ses limites que la veille. Elle court plus vite, et plus longtemps. Elle s’efforce d’être plus rapide, plus leste. Elle a rapidement abandonné la folie de vouloir tout contrôler pour des mouvements beaucoup plus instinctifs. Paradoxalement, dans ce « laisser-aller », elle trouve beaucoup de quiétude. Kyle Katarn est exigent, et une exigence pousse l’autre. Lexie aurait pu se perdre dans l’envie de le satisfaire pour le satisfaire, d’essayer de lui convenir tout simplement pour que cesse ce cycle… Sauf que ça n’a jamais été son ambition. Si elle respecte le maître et ses attentes, elle sait que ça n’a rien à voir avec lui. Ce n’est pas pour se faire plaisir à lui qu’il la fait passer par tout ça. C’est pour qu’elle puisse sauver sa vie et celles d’éventuellement d’autres personnes. Le but les dépasse tous les deux, et c’est une chance. Sans ça, Lexie ne se serait jamais imposé une telle discipline, ce n’est pas dans son caractère. Elle aime trop se laisser vivre et ses plaisirs. Au moins autant qu’elle peut faire preuve d’abnégation, comme le montre sa détermination à progresser. Profondément humaine et mise sous pression, elle a quand même craqué à plusieurs reprises, mais rien de suffisamment profond pour qu’une longue méditation ne sache en venir à bout.

Aujourd’hui, comme les quelques jours qui ont précédé, en marge de sa farouche détermination, Lexie parvient même à s’amuser un peu pendant les passes d’arme avec Kyle. Si de son côté il la connaît très bien, elle-même commence aussi à cerner son style de combat, ce qui lui permet de faire preuve d’audace, de temps en temps, et même d’être parvenue à le taquiner ou une fois ou deux, en le poussant, son pied à plat sur son derrière, par exemple. Bien sûr, ce comportement reste anecdotique, trahit juste le relâchement comique dont Lexie a parfois besoin, sans jamais qu’il n’empiète sur l’objectif de leur échange : qu’elle apprenne à se servir de son arme. Son arme, d’ailleurs, elle comprend bien mieux l’expression « une extension de soi ». Elle n’en a pas le besoin, ici, sur l’Espérance bien sûr, mais le manier des heures par jour, chaque jour pendant plusieurs semaine a rendu son sabre… Assez élémentaire, à ses yeux.

De leur côté, les autres padawans sont venus, tour à tour, s’inquiéter de la façon dont Lexie vivait cet entraînement. Sans être désagréables, ses réponses ont souvent été laconiques, ce qui les a rapidement dissuadés d’aborder le sujet. Il n’y a eu que Saddie qui, avec sa perspicacité d’enfant, a deviné. Un jour, elle est arrivée dans sa chambre et lui a simplement dit « Tu vas y retourner, hein ? » Ce à quoi Lexie avait hoché la tête en signe d’assentiment. C’est ça, l’objectif. Aller sur Hoth, fermer l’holocron et repartir, si possible sur ses deux jambes. Et au plus elle s’entraîne, au plus elle augmente son pourcentage de chances d’atteindre cet objectif. Du coup, traitant chaque entraînement avec sérieux, il est naturel qu’elle progresse. De là à dire que ces progrès sont suffisants… Il n’y a que le maître jedi Kyle Katarn qui soit à même d’en juger.

Elle grimace quand ses fesses heurtent durement le sol, au moins pour la dixième fois depuis qu’ils ont repris l’entraînement aujourd’hui. Mais pas le temps de souffler ou de se plaindre. Drillée, Lexie se relève et se dépêche de se remettre en position, pour mieux s’apercevoir une fois fait que le maître jedi a éteint son sabre. L’interrogation est évidente dans les perles azurées de l’archéologue. Ses yeux expriment un « Déjà ? » ou encore un « Qu’est-ce qu’il se passe ? », sensation accentuée par la réflexion du maître. Nous y voilà. Décontenancée, la jeune femme jette un regard autour d’elle. Nous y voilà où ? Il la jauge, elle s’en rend compte, de bas en haut mais aucune attaque inattendue ne vient la frapper. A la place, il range simplement son arme, ce en quoi Lexie l’imite, même si elle ne comprend pas du tout où Kyle veut en venir. Tâchant de se montrer patiente, elle se contente d’attendre qu’il lui explique le sens de ses paroles sibyllines… Pour que, telle un couperet, la sentence tombe. Tu es prête.

Elle ne réagit pas, d’abord. Elle n’est pas certaine d’avoir bien entendu. Dans sa tête, elle tombe encore bien trop souvent pour pouvoir prétendre valoir quelque chose… Elle finit, à retard, par froncer légèrement les sourcils, dubitative. Elle, pour sa part, se sent tous sauf prête. Est-ce qu’elle objecte pour autant ? Non. Depuis qu’elle est là, elle ne se souvient pas avoir objecté pour faire quoi que ce soit. La volonté de Kyle Katarn prime sur la sienne. C’est lui l’instructeur. Il sait. Elle, elle se tait et elle écoute. Mais ses épaules s’affaissent quelque peu. Il dit qu’elle est en phase avec son arme, et là, elle s’y retrouve un peu. Elle baisse les yeux sur le sabre. Elle se souvient au début qu’il lui faisait peur. Et maintenant ? Plus vraiment. Mais est-ce que c’est suffisant ? Elle n’a pas l’impression que ça le soit. Discrètement, elle soupire et se contente d’opiner du chef et de répondre humblement. « Merci, Maître. » avant qu’il ne s’éloigne.

Un peu dans un état second, Lexie finit par rejoindre l’atelier de méditation. Elle a le sentiment d’en avoir besoin. Le spectre d’un retour sur Hoth la menace, et l’inquiète, la trouble. Ce spectre, ça fait plus d’un an qu’elle le fuit maintenant. En confrontant Saddie, elle a confronté l’une de ses victimes, mais l’expérience sur la planète gelée sera très différente. Lexie va devoir voir dans toute leur horreur les conséquences de ses actes. Ça, et faire face aux impériaux, ceux-là même qui la terrorisent depuis qu’elle a eu le malheur d’ouvrir cet holocron.

Méditer jusqu’au déjeuner l’a en partie soulagée, mais de façon assez superficielle. Prisonnière de ses pensées, Lexie doute toujours au moment où elle s’assied avec les autres padawans, comme elle le fait d’habitude. « Ca va Lexie ? » Lui demande gentiment le zabrak qui lui avait donné le baume, la tirant de ses sombres ruminations. Lui adressant un sourire, elle opine du chef et allait répondre quand un autre la coupe. « Bien sûr qu’elle va bien ! Pourquoi elle n’irait pas bien ? Après tout elle est prête, pas vrai ? » Le ton est dédaigneux, tourne ouvertement en dérision les paroles de maître Katarn à son attention, et interpelle la plupart des padawans attablés. Tous tournent leur regard vers celui qui a parlé, un jeune garçon de l’âge de Lexie, qui a été particulièrement assidu dans l’observation des duels livrés ces dernières semaines entre Kyle et elle, le plus prodigue en matière de conseils, souvent donnés sous la forme de piquantes leçons. Comme il affiche un petit air satisfait de lui-même et de son intervention, les yeux des convives finissent par se tourner vers l’archéologue, attendant manifestement qu’elle réponde à cette provocation. « Je ne sais pas si on est jamais vraiment prêt à ce qui peut arriver… » Elle commence, assez mal assurée et soucieuse de glisser sur cette pente savonneuse qui mènera indubitablement vers la discorde et le ressentiment. Alors qu’elle cherche ses mots pour compléter un peu sa réponse, Deklan la coupe. « C’est le moins qu’on puisse dire… » Il prend les autres à parti, sa langue se libérant maintenant qu’il avait rompu la glace. « Ça ne vous choque pas, vous, qu’elle soit arrivée après la majorité d’entre nous et ait le droit d’avoir un sabre avant nous ? » Les autres padawans n’ont pas l’air de vouloir se mouiller et détournent les yeux. Lexie, elle, ne sait pas quoi répondre puisque la question du jeune homme la renvoie directement à ses propres insécurités, à ses propres questionnements, ses propres doutes concernant sa légimité. « Laisse-la tranquille Deklan. Elle a beaucoup travaillé et si Maître Katarn en a décidé ainsi, c’est que ça devait en être ainsi. » Reesha, une mirialan, prend sa défense, son ton impérieux et sûr, ce qui fait se sentir Lexie encore plus ridicule de ne pas le faire elle-même. Deklan, lui, rit jaune. « Je t’en prie Reesha… Ce n’est pas parce que tu te montres sympa avec elle que ce sera toi la prochaine… De toute façon, on sait tous ce qui lui vaut d’être là où elle en est maintenant… C’est la situation critique qu’elle a déclenchée sur Hoth, on le sait tous. Sans ça, elle en serait toujours aux bases du maniement de la vibrolame… T’as vu comme nous tous ce que ça a donné contre Maître Katarn. J’ai chronométré, elle n’a pas été capable de rester sur ses deux jambes plus de cinq minutes d’affilée… » C’en est trop pour Lexie qui, étonnamment calme, sans colère (ce qui la surprend elle-même !), se lève tranquillement. Etrangement calme, elle ne se sent pas spécialement humiliée, peureuse ou autre… Juste pleine de compassion pour l’amertume qu’elle perçoit chez le padawan, ce qui se voit très clairement à sa façon de le regarder. « Je comprends ton scepticisme et les doutes que tu peux avoir… Pour être honnête, sans la conviction que les principes de Maître Katarn voient plus loin que ça, je les partagerai… Je ne peux pas te dire que tu as tort ou raison, tout ce que je peux faire, c’est te conseiller d’aller voir Maître Katarn ou Maître Luke pour leur en parler… Ils t’écouteront, c’est certain, et feront au mieux en fonction, si tes arguments sont pertinents. » Sur ce, ne souhaitant pas aller plus loin dans ce débat stérile et se disant que, de toute façon, si un maître ou l’autre revenait sur sa décision, elle le saurait bien assez tôt, Lexie embarque quelques bricoles à grignoter et retourne sans se retourner jusqu’à la salle de méditation. Elle en a besoin. Dans quelques jours, elle va se retrouver en territoire hostile. Elle n’a pas la moindre place dans son esprit pour ce genre de rivalité inepte…